Préambule : AirCarto s'est associé à Air citoyen pour créer des récits mêlant cartographies de données et témoignages de citoyens. Invités à des événements organisés par associations engagées dans la préservation de l’environnement, les participants mesurent la qualité de l'air le temps de l’événement, puis témoignent de leur engagement et de leur représentation de l’air et de ses pollutions. Au fil de ces récits cartographiques et sensibles des liens se tissent et des questions émergent entre les enjeux de la qualité de l’air et d’autres enjeux écologiques majeurs comme l’entretien durable des forêts, les déchets et pollution de l’air terrestres et maritimes, le trafic routier dans les grands centres urbains.

 



L'association 1 déchet par jour rassemble tous ceux qui veulent créer une barrière entre les déchets et la nature. Nous nous sommes rendu sur un des évènements phare de cette association, Love Ta Bonne Mère #6. Des bénévoles se sont prêtés à mesurer la qualité de l'air au fil de leur ramassage de papiers, mégots de cigarette, sacs plastiques et même une vieille paire de skis !

entretien - 13 février 2022

« L'air c’est la vie ! L’air c’est respirer, et puis c'est respirer correctement quand même. »

Entretiens sur la qualité de l'air avec des participants du ramassage des déchets à Notre-Dame de la Garde à Marseille organisé par l'association 1 déchet par jour.
Par Magali Guyon

Corinne, Florence, Nour, Maia, Carlos, nous ont raconté pourquoi ils sont venus à la collecte des déchets qui jonchent les pied de la Bonne-mère en ce dimanche orageux, leur engagement pour l'environnement et leur perception de la qualité de l'air.

Qu'est ce qui vous a motivé à venir à la collecte des déchets au pied de la Bonne-Mère ?

L'achat responsable, « c’est une habitude que je n’avais pas avant, et c'est petit à petit une prise de conscience, et je suis contente de le faire. Une fois qu'on a commencé, on a du mal à revenir en arrière. J'en parle un petit peu autour de moi et j'espère que ça a fait son chemin et j'aimerais bien que les gens soient plus concernés par ça.  »

Corine a proposé à son amie Florence de l'accompagner. C'est sa fille, gérante de la boutique éco-responsable Le flamand vert à Marseille qui l'a sensibilisée aux problèmes des déchets. Elle nous raconte comment elle a peu à peu changé ses pratiques. « Ça a fait son chemin, et petit à petit je me suis mise à faire plus de recyclage, à faire attention à ce que je jetais, à ne plus rien jeter d’inutile, et puis surtout à ne rien laisser par terre quand je me déplace. Je ne mets même plus mes chewing-gums par terre ! Puis j'ai pris l'habitude, quand je fais mes petites randonnées avec mes amis, d'avoir un sac avec moi et d'avoir des gants et de ramasser les papiers, les bouteilles vides, les canettes, les mégots de cigarettes, on en trouve partout. » Florence achète plus de vracs dans les magasins qui le proposent, et ce d'autant plus volontiers qu'elle trouve les produits intéressants. « C’est une habitude que je n’avais pas avant, et c'est petit à petit une prise de conscience, et je suis contente de le faire. Une fois qu'on a commencé, on a du mal à revenir en arrière. J'en parle un petit peu autour de moi et j'espère que ça a fait son chemin et j'aimerais bien que les gens soient plus concernés par ça. » Pour florence, participer à cette collecte « c'est l'occasion de rejoindre un groupe et je trouve ça bien car il faut sensibiliser les gens. »

« Aider à rendre ce site magnifique en l’état, pour que la végétation n’étouffe pas. Chaque petite main aide à préserver le site. »
action 1 déchet par jour


Florence était séduite par l'idée de venir au grand air et participer à un ramassage de déchets « dans une ambiance très bon enfant » et « d’aider à rendre ce site magnifique en l’état, pour que la végétation n’étouffe pas. Chaque petite main aide à préserver le site. » La question des déchets la touche beaucoup « parce qu'en tant que marseillaise, ça fait des années que je connais le problème de la grève des poubelles. J'ai fait des archives photos qui datent d'il y a quinze ans, c'était pareil avec la rue de Rome, les poubelles en feu... Et puis surtout, c'est en voyageant en Birmanie que je me suis rendu compte qu'il y avait des montagnes de plastique et c'est là que j'ai pris conscience vraiment du problème du plastique. Je n’avais pas réalisé à quel point ça pouvait être un problème à ce niveau-là. » Florence est revenu à la fin de l'après-midi chargé de sacs remplis de déchets divers. Elle nous explique qu'« au départ sur les petits sentiers beaucoup de gens étaient déjà passés, donc il n’y avait pas trop de déchets, mais dès qu'on s'approche des lieux de vie donc des voitures, on voit que les gens ont pique-niqué, ont eu une certaine activité, du coup, là on ramasse plein de choses. J’ai vu des personnes ramener des skis, une table, une housse de guitare, enfin des choses improbables. »

Nous avons également rencontré Nour et Maïa, deux lycéennes de la section lycée Saint-Charles, en section OIB [option internationale du baccalauréat]. Maïa pense que les participants au ramassage des déchets sont là à cause de la grève des éboueurs qui provoquent des amoncellements de déchets dans la ville : « il y a énormément de déchets et avec le vent ça va un peu partout ; ça nous a fait un peu peur et on s'est dit "ils vont aller où tous ces déchets ?" On a vu qu'il y avait une action pour collecter tous ces déchets et on s'est dit pourquoi pas y aller justement. C'est notre prof qui nous a suggéré d'y aller parce qu'on a des clubs ou par exemple on s'occupe de faire des actions pour l'environnement. » Nour abonde et rajoute : « moi, franchement, tout ce que je peux faire pour le climat, j'essaie de le faire. » Nour fait attention à ces modes de consommation, et comme Maïa, participent à des projets dans le cadre du lycée. Elles voudraient faire un projet avec l'association Recyclop qui collecte les mégots « parce que dans notre lycée, il y en a énormément » et aimerait aussi faire une simulation de la COP 21 au lycée.
 
« La pollution de l'air, c'est parfois sournois, ça avance masqué. Les déchets par terre, on les voit, on y fait attention pour les ramasser. Mais comment faire pour dire "Allez, on va nettoyer l'air ?" C'est difficile, hein. »

Etes-vous préoccupé par la qualité de l'air ?

A notre question, Florence s'exclame : « Bien sûr, ça m'intéresse parce que j'habite en hyper centre par commodité puis parce que j'aime l'hyper centre. Malheureusement, c'est quand même très pollué. Et puis oui, oui, bien sûr, c’est très important. Je ne suis pas spécialiste mais je pense que les hydrocarbures, les voitures, tout ça pollue. C'est vrai que quand on va vers la côte bleue et qu'on passe vers Fos, c'est terrible de sentir ces émanations, je pense que ce ne doit pas être très bon pour la santé des gens qui vivent autour. »

Carlos, grand fumeur, a cru en voyant les capteurs de mesure de la qualité de l'air sur notre stand que c'était des cendriers portatifs ! Il considère que ces capteurs sont utiles à ceux qui travaillent et vivent dans un environnement relativement pollué mais ne croit pas que ce soit le cas de la majorité des Marseillais. Lui-même habite une petite ruelle en fond cour où il « entend les oiseaux le matin », seule l'artère de la rue de Breteuil est un peu polluée par le trafic. Carlos se qualifie de "gros fumeur", il fume dans sa maison sans aucune restriction et n'ouvre pas les fenêtres quand il fait froid, alors, quand il n'est pas dans un environnement fumeur, « il a l'impression que l'air est super pur. » Il poursuit sa réflexion et son avis sur la qualité de l'air évolue : « La pollution de l'air, je crois qu'elle fait quand même pas mal de victimes chaque année, c'est une pollution qu'on ne voit pas forcément, qui avance masqué parce qu’on peut penser que, il n’y a rien, mais bon, on respire, on ne sait pas ce qu'on respire. C'est sûr que quand on est dans un endroit où on voit la fumée des voitures ou la fumée des bateaux, on peut se dire que c'est pollué, mais parfois on ne sait pas et on peut se dire qu'on est tranquille. La pollution de l'air, c'est parfois sournois, ça avance masquée. Les déchets par terre, on les voit, on y fait attention pour les ramasser. Mais comment faire pour dire "allez, on va nettoyer l'air ?" C'est difficile, hein. »

« Tout de suite quand on parle pollution on pense aux déchets, mais c'est vrai que la qualité de l'air c'est aussi quelque chose de très important, or comme on ne le voit pas forcément, on ne s’en rend pas compte mais c'est présent et ça influence sur notre santé. »

Corine rejoint Carlos sur l'insaisissabilité de l'air : « la qualité de l'air, ce n’est pas palpable. Ce n'est pas quelque chose qu'on voit, ce n'est pas comme un papier par terre, on n’y pense pas forcément au quotidien. Là où on s'en aperçoit, c'est quand on voyage et qu'on voit un peu ce qui se passe, et aussi quand on est en haut des collines, en haut des montagnes et qu'on voit le paysage avec la pollution et qu’on nous dit que c'est la pollution, alors on se dit "waouh, quand même". Et puis, quand on est dans les rues et qu'on a du mal à respirer, parce que les scooters nous asphyxient complètement, les scooters et les bus, et des voitures aussi, et c'est là où on se dit, "waouh, il y a quand même de la pollution, c'est sûr". Quand on nous parle des abeilles par exemple, moi je suis une raide dingue de miel, et c'est vrai que quand on me dit qu’il y a de moins en moins d'abeilles, je me dis "Oh, tu auras moins en moins de miel", et ça m'attriste aussi. Voilà, il faut s'attendre à ces conséquences-là, et c'est un peu dommage. »
 

 microcapteur


Maïa partage également ce constat que la pollution de l'air est quasi invisible contrairement aux déchets : « notre prof d'histoire nous a fait travailler sur les objectifs de développements durables des Nations-Unies, il y en a 17. J'ai travaillé sur les villes durables, comme par exemple, sur la ville de Copenhague qui commence à installer des émetteurs pour étudier la qualité de l'air. En fait, on n’y pense pas souvent, mais c'est quand même très important. Quand on parle pollution, on pense tout de suite aux déchets, mais c'est vrai que la qualité de l'air c'est aussi quelque chose de très important, or comme on ne la voit pas forcément, on ne s’en rend pas compte, mais c'est présent et ça influence sur notre santé, comme à New-Delhi où ils sont obligés d'avoir des sortes de bombe à gaz d'oxygène dans leur maison, sinon, ils ne peuvent pas bien respirer. » L'école primaire de la petite sœur de Nour a installé des capteurs de CO2 mais elle ne sait pas pourquoi. Nous lui expliquons que le CO2 en tant que tel n’est pas un polluant de l’air intérieur : il est émis naturellement par la respiration et à basses concentrations, ne pose pas de danger pour la santé humaine. Si les écoles installent des capteurs dans les salles de classe, c'est parce qu'il est un bon indicateur du renouvellement de l’air : des concentrations en CO2 qui augmentent indiquent que l’air intérieur n’est pas suffisamment renouvelé et que le taux de particules fines (on les appelle aussi des aérosols) est trop élevé. Or, les particules fines  sont mauvaises pour notre santé. Ce sont de très petits amas de matière qui traversent les alvéoles de nos poumons. Par ailleurs, elles peuvent potentiellement transporter les virus et en particulier la COVID-19. stagnent et entraînent un risque de transmission aéroportée.

« L'air c’est ce qui nous permet de vivre, de respirer. Et après, c’est une transparence, une qualité, une lumière. C'est quelque chose de tangible en même temps de parfois d’irréel »
moduleair


Pour finir, une question à la fois naïve et difficile : l'air c'est quoi selon vous ?

Pour Carlos, « l'air c'est de l'oxygène et de l'hydrogène. C’est ce qui nous permet de vivre, de respirer. Et après, c’est une transparence, une qualité, une lumière. C'est quelque chose de tangible en même temps de parfois d’irréel, parce qu’on ne le touche pas vraiment. Mais bon, c'est surtout à Marseille où tout le monde vante la lumière, l'air, c'est partie prenante de tout ça. »

Florence et Corine, associent spontanément l'air à la respiration : « L’air c’est la vie ! L’air c’est respirer, c'est respirer et puis c'est respirer correctement quand même. Une amie a un petit problème d’asthme, si elle est dans un environnement complètement pollué, elle respire encore moins bien. »

Comme Carlos, Nour et Maia décrivent l'air d'un point de vue scientifique, "« c'est un des milieux présents sur la terre", "c'est une composition de plein de gaz », elles soulignent combien il est essentiel à la vie : « C'est un lieu vital, c'est vital pour nous en fait. Si on avait  pas l'air, ben on meurt, et c’est vrai pour tous les êtres vivants aussi. »


1 déchet par jour

L'association 1 Déchet Par Jour rassemble tous ceux qui veulent créer une barrière entre les déchets et la nature. Pour cela elle intervient à plusieurs niveau :
1) Elle organise des grandes collectes de déchets à Marseille et ses alentours.
2) Elle réalise des sensibilisations dans les écoles/collèges/lycées/centres sociaux/maisons pour tous afin d'arriver à éveiller les plus jeunes
3) Elle coordonne des opérations de grande envergure: le Tarpin Propre et le World Cleanup Day à Marseille
4) Elle organise des team-building avec les entreprises afin de renforcer les liens entre les salariés tout en agissant en faveur de l'environnement
5) Elle accompagne les commerçants aux consignes de tri et à des réflexes plus vertueux